Il y avait beaucoup de grands professeurs et étudiants qui ont fait la renommée de l’université pour la qualité de ses enseignements. Certains d’entre eux sont bien connus, d’autres n’ont laissé que peu ou pas de traces si ce n’est dans les textes de l’université elle-même, mais ils ont tous participé à la grandeur de l’université de Franche-Comté. En voici quelques uns.
Pierre Le Fèvre ou Pierre Fabri
Pierre Le Fèvre, dit Pierre Fabri, né à Rouen vers 1450 et mort vers 1535, était un métricien, rhéteur et poète français. Pierre Fabri est l’un des premiers auteurs à avoir donné des préceptes sur l’art d’écrire en français[1]. Il donna un singulier Traité de Rhétorique, divisé en deux livres, imprimé en caractères gothiques à Rouen par Thomas Ryer et Simon Gruel, 1521, in-8°. Le deuxième livre de ce traité est entièrement consacré à l’art poétique et contient plusieurs pièces telles chansons royales, ballades, cocardes, virelais, chansons, etc. composées par lui et citées comme modèles pour tous les genres de poésie. Cet ouvrage connut un grand succès dans sa nouveauté et fut réédité plusieurs fois de 1521 à 1544. On lui doit également les Épitaphes du roi Louys, imprimés à Rouen et Traité touchant le temps de maintenant, où sont contenus parlant ensemble douze dames, demandés : Rome, Florence, Gênes, Venise, Milan, France, Espagne, Angleterre, Flandre, Autriche, où l’auteur lui-même remplit le rôle d’acteur. Il fut brièvement l’un des professeurs de l’université de Dole dans les années 1530, au cours desquelles il participa au renouveau de l’institution ruinée aux côtés d’autres au début du XVIe siècle.[3]
- [1]LEBRETON Théodore-Éloi, Biographie rouennaise, Rouen, Le Brument, 1865, p. 134
- [2]AGRIPPA Henri-Corneille, Expostulatio super expositione sua in librum ‘De verbo mirifico’, in Opera, Cassel, après 1605, t. II
- [3]BEAUNE, H., & D’ARBAUMONT, J. (1870). Les Universités de Franche-Comté : Gray, Dole, Besançon: documents inédits publiés avec une introduction historique. J. Marchand
- [4]MARCHANDISSE Alain, MASSON Christophe, « Les tribulations du Grand Bâtard Antoine de Bourgogne en Italie (1475) », dans : Publications du Centre européen d’Etudes bourguignonnes (XIVe-XVIe siècles) [titre : Rencontres de Romes (25 au 27 septembre 2008). Bourguignons en Italie, Italiens dans les pays bourguignons ; XIVe – XVIe s.), vol. 49, 2009, p. 23-49
Cornelius Aggrippa
Henri-Corneille Agrippa de Nettesheim, dit Corneille ou Cornelius Agrippa, est considéré comme un scientifique ésotérique, représentatif d’une conception sceptique de la magie : la « magie naturelle ». Il est né à Cologne le 14 septembre 1486. Il étudie les lettres en 1502, probablement la médecine, le droit, la théologie : il est « docteur ès lettres et docteur en médecine de Cologne-sur-le-Rhin ». Il parcourt ensuite l’Europe (France, Espagne, Angleterre, Allemagne, Italie et Suisse) en tant que militaire, médecin et enseignant. En l’honneur de Marguerite de Bourgogne, il rédige un traité en latin intitulé De la noblesse et préexcellence du sexe féminin (écrit en 1509 mais publié en 1529). Il fonde une association d’amis à Avignon et à Paris, dont Charles de Bovelles et Jacques Lefèvre d’Étaples, qui pratiquent l’alchimie. En Angleterre, il fréquente les grands érudits humanistes, dont John Colet. En 1509, il enseigne la Kabbale chrétienne de Johannes Reuchlin à Dole[2], ce qui le conduit à être accusé d’hérésie. Sa présence comme enseignant à Besançon, bien qu’éphémère, participe également au renouveau de l’institution ruinée au début du XVIe siècle[3].
Guillaume de Rochefort
Guillaume de Rochefort (1433 [plutôt 1439]-1492) était docteur en lois et décrets, chancelier de France sous Louis XI et Charles VIII. Il était le fils de Jacques II et d’Agnès de Clérona, et seigneur de Rochefort, Pleuvaut et Longeaua. Probablement originaire de la région de Rochefort (dans le Jura), il fut d’abord au service des ducs de Bourgogne Philippe le Bon et Charles le Téméraire comme conseiller ordinaire puis chambellan de Bourgogne[1]. Il éloigna notamment en 1474, à force d’argent, les Suisses et les Allemands prêts à envahir le comté de Bourgogne. De même, il a été ambassadeur en Italie auprès du pape et d’autres princes de ce pays. Cependant, il dut abandonner sa cour et perdit ses biens. Après la mort du duc en 1477, il accepta les offres de Louis XI, entra dans son Conseil et fut nommé premier gouvernement de Blaisoie et enfin chancelier de France le 12 mai 1483 par lettres du roi. Le roi lui rend également les terres de Pleuvaut et de Longeau, confisquées à son père Jacques II de Rocheforta. Il présida les États généraux de Tours en 1484, et fut plus tard chargé de jeter les bases du traité en vertu duquel Charles VIII épousa Anne de Bretagne. Il est le frère aîné de Guy de Rochefort, qui fut également chancelier de France. Son acte marquant à destination de l’université de Dole, où il fit ses études, fut de presser Charles VIII de rendre leur privilège et université retirée par Louis XI.[4]
Charles Dumoulin
Charles Dumoulin, né à Paris en 1500, mort en 1566 est un jurisconsulte français qui enseigna à Dole entre 1555 et 1556. Il était connu pour ses prises de position en faveur du gallicanisme (organisation d’une église en France sur le modèle anglican). Il marqua aussi son opposition au calvinisme, dénonçant sa dérive autoritaire. À la fin de sa vie, il se déclare luthérien. Charles Dumoulin est issu d’une famille noble, alliée à Anne Boleyn, mère de la reine Elizabeth I d’Angleterre. Il fut reçu comme avocat au Parlement de Paris en 1522 mais, n’ayant pu vaincre un bégaiement auquel il était sujet, il se retira du barreau et se consacra au travail du cabinet. Des observations sur l’édit d’Henri II relatif aux petites dates, qu’il publia en 1551 et où il soutenait que le roi avait le droit de réprimer les abus et les fraudes qui se commettaient à Rome dans la répartition des bénéfices, lui valurent les bonnes grâces de Henri II, mais donna lieu à de vives plaintes du Saint-Siège. Son œuvre fut condamnée par la Sorbonne en mai 1552. Adepte de la Réforme, Dumoulin avait embrassé le calvinisme. Inquiet de ses opinions, il est contraint de se réfugier en Allemagne, où il est reçu avec la plus grande distinction. Après avoir enseigné à l’Université de Dole en 1555 et 1556, il revint à Paris en 1557, mais il devait y subir de nouvelles tribulations. Il a également été rejeté par l’Église protestante après s’être opposé à Jean Morély et au système de gouvernance imposé par Genève. Dumoulin a dénoncé le système ecclésiastique autoritaire du calvinisme (théocratie) qu’il considérait comme pire que l’Église catholique. Il critique aussi sa rigueur et le fait que les pasteurs envoyés en France soient des étrangers. Charles Dumoulin fut le premier à trouver les véritables sources du droit français et en posa les règles fondamentales : il commenta les principales coutumes de la France ; sa Révision de la Coutume de Paris est considérée comme un chef-d’œuvre. La meilleure édition de ses ouvrages selon le Dictionnaire Bouillet est celle de Paris, 1681, 5 volumes in-folio.
Nicolas Perrenot de Granvelle
Nicolas Perrenot de Granvelle, né en 1486 à Ornans (alors dans le Comté de Bourgogne) et mort le 27 août 1550 à Augsbourg, fut au XVIe siècle, Chancelier et Garde des Sceaux du Saint-Empire, premier conseiller et homme de confiance en la France. Comtois de l’Empereur Charles V, Comte Souverain de Bourgogne et Suzerain de la Ville Impériale de Besançon. Nicolas est le fils de Pierre Perrenot (mort en 1537), notaire à Ornans, et d’Étiennette Philibert (mort en 1540), descendant de la noblesse locale. Son père l’envoya à l’université de Dole, alors capitale du comté de Bourgogne, pour y étudier le droit. En 1518, il devient avocat et est nommé à 34 ans conseiller au parlement du comté de Bourgogne. L’empereur Charles V est lui-même comte de Bourgogne par héritage du titre de sa grand-mère, la duchesse et la comtesse Marie de Bourgogne. En 1518, il devient avocat et est nommé à 34 ans conseiller au parlement du comté de Bourgogne. Charles Quint est élu empereur à l’âge de 19 ans. Nicolas Perrenot de Granvelle devient rapidement son très proche confident, l’Empereur le surnomme son « lit de repos ». Il est fait chancelier, ce qui contribuera à lui acquérir une immense fortune familiale et à lui donner tous les pouvoirs, au nom de l’empereur, dans le comté de Bourgogne. Ses fils et gendres (la famille Granvelle) occupent les meilleures places du comté et de la cour impériale. Il fait construire le Palais Granvelle à Besançon. Grand amateur d’œuvres d’art et de livres précieux, il réunit dans ses palais une prestigieuse collection qui fut augmentée par son fils, le cardinal et homme politique Antoine Perrenot de Granvelle (1517-1586). En 1532, il devient garde des sceaux de Charles Quint à l’âge de 48 ans. En 1534-1547, son statut et sa fortune lui permettent de construire son propre palais dans la grande rue de Besançon, le somptueux palais Granvelle qui introduit l’architecture Renaissance. Vers la ville. Ce palais (aujourd’hui Musée du Temps de Besançon) est devenu le symbole de sa puissance prodigieuse, de sa réussite, de sa fortune, de son prestige, de son ascension sociale personnelle et familiale.